La famille RAPIN, la plus ancienne de la Maurienne, et son fief de la Chaudanne était le patrimoine de leurs ancêtres depuis le milieu du premier millénaire.
La tradition situe la naissance de Sainte Thècle sur l’emplacement du vieux manoir ou se trouve aujourd’hui le cimetière de Valloire. « En face de ce manoir, les RAPIN élevèrent une chapelle, trois fois reconstruite, car ils se faisaient Gloire d’être de la même race que la Sainte de Valloire ( Sainte Thècle vivant au VI° siècle), et prétendaient avoir hérité d’elle les droits seigneuriaux qu’ils possédaient dans le pays ».
Extrait de l’Histoire de la Maurienne (tome 1) par A. GROS
voici ce qu’il est dit sur cette légende.
« Trois moines irlandais, revenant de la Terre Sainte, s’arrêtèrent un jour dans une localité de la Maurienne, appelée Volacis et que l’on croit être Valloire. Ils reçurent l’hospitalité chez deux soeurs qui vivaient ensemble, dont l’une s’appelait Tigre, vulgairement Thècle et l’autre Pigménie ou Piménie.
Elles étaient de noble origine et abondamment pourvues des biens de ce monde.
Faisant ses délices de la lecture des Saintes Ecritures et de l’étude de la religion, Thècle avait suivi le conseil que donne l’apôtre saint Paul aux personnes qui veulent se consacrer entièrement à Dieu, et elle avait résolu de garder la virginité. Elle employait les ressources que la Providence lui avait données à secourir les pauvres, à venir en aide aux prêtres et aux pèlerins.
Sa soeur Pigménie, devenue veuve, s’était associée à ses bonnes oeuvres. Leur vie se passait dans le jeûne, les vigiles, la prière, la visite des sanctuaires, et toutes les autres pratiques du service divin. Les servantes de Dieu accueillirent avec un joyeux empressement les pèlerins irlandais que la Providence leur envoyait. Elles les gardèrent pendant trois jours, avides de les entendre raconter les divers incidents de leur voyage à Jérusalem, et décrire les sanctuaires et monuments qui rappellent la vie et la mort de Notre-Seigneur.
Au cours de leurs pieux entretiens, les moines leur parlèrent des miracles opérés par les reliques de saint Jean-Baptiste, dont le corps avait été inhumé dans la ville de Sébaste, l’ancienne Samarie et transporté longtemps plus tard à Alexandrie d’Egypte, à l’exception de la tête qui se trouvait à Edesse en Phénicie
Ces récits produisirent sur Thècle la plus profonde impression. Elle conçut un ardent désir de procurer à son pays quelque partie de ces précieuses reliques dont on lui disait tant de merveilles.
Sans autres renseignements que ceux qui lui avaient été donnés par les pèlerins irlandais, elle entreprit le long et périlleux voyage en Orient. Accompagnée seulement d’une servante, elle prit la route d’Italie. Elle dut suivre, du moins jusqu’à Milan, l’itinéraire qu’avait pratiqué deux siècles auparavant, le pèlerin de Bordeaux à Jérusalem, c’est-à-dire le mont Genèvre, Suse, Turin, Pavie. De Milan, elle se rendit à Rome pour visiter les tombeaux des apôtres, et s’embarqua à Ostie pour l’Egypte.
On devine la joie que Thècle éprouva en débarquant à Alexandrie qui était alors une ville des plus belles et des plus riches du monde. Mais ce qui intéressait la pèlerine de Maurienne, ce n’étaient pas les monuments ou les richesses de cette capitale commerciale et intellectuelle de l’Orient. Tous ses désirs et toutes ses espérances se portaient vers l’église qui possédait le tombeau du glorieux précurseur, l’unique but de son voyage. Elle ne prévoyait pas, alors, les difficultés qu’elle rencontrerait dans la réalisation de ses voeux.
Pleine de joie et d’espérance, elle n’eut rien de plus pressé que d’aller à l’église dédiée à saint Jean-Baptiste remercier Dieu de l’avoir préservée des dangers d’une longue et pénible navigation, et en même temps se prosterner devant les restes sacrés de celui que Notre-Seigneur a proclamé le plus grand des enfants des hommes.
Lorsque les habitants d’Alexandrie connurent le but du voyage de Thècle, ils se moquèrent de sa vaine et irréalisable entreprise, dont la pèlerine elle même n’attendait le succès que de la miséricorde de Dieu. Elle s’engagea par serment à ne pas s’en aller de la ville avant d’avoir obtenu quelques parcelles du corps de saint Jean-Baptiste. Chaque jour, elle se rendait au tombeau du saint, priant Dieu et saint Jean-Baptiste de lui accorder la faveur tant désirée. Une année, deux ans se passèrent sans que sa prière fût exaucée.
Au commencement de la troisième année, fatiguée de prier, de jeûner et de pleurer, elle commençait à douter de l’efficacité de ses oraisons et de ses mortifications. Un jour, prosternée devant le tombeau, elle conjura saint Jean-Baptiste d’exaucer enfin ses voeux, disant qu’elle ne se relèverait pas avant d’avoir obtenu ce qu’elle demandait depuis si longtemps.
Le septième jour, alors que Thècle était déjà complètement épuisée par le jeûne, un pouce apparut sur l’autel, entouré d’une lumière éclatante. Ainsi se réalisait pour Thècle la promesse du Sauveur « Tout c e que vous demanderez avec foi, vous l’obtiendrez. » Thècle se lève, prend avec respect le don précieux, le dépose dans une cassette d’or qu’elle avait préparée, et pleine de joie, elle reprend le chemin de son pays.
Nous avons reproduit fidèlement le texte de saint Grégoire de Tours. Les chroniqueurs postérieurs ont ajouté que Thècle, à son retour, avait été poursuivie par les Alexandrins avertis de son pieux larcin et n’aurait sauvé ses reliques que par l’effet d’un miracle.
A la suite des Bollandistes, nous négligeons ces détails romanesques, « qui sentent la fable ». (Bollandiste : mom donné aux rédacteurs des actes sanctoral (vies des saints).
Un vitrail de la cathédrale de Sant-Jean-de-Maurienne, d’ailleurs très moderne, représente l’évêque, le clergé et la population se rendant processionnellement au devant de sainte Thècle pour recevoir de ses mains le précieux trésor qu’elle rapportait de son voyage.
Ce tableau qui plaît à notre dévotion est purement imaginaire. A ce moment, il n’y avait pas d’évêque dans notre ville, la cathédrale n’ayant été construite que plusieurs années après, afin de procurer aux reliques du Précurseur de Notre-Seigneur un asile plus honorable.
A peine déposées dans l’église sans doute très petite et très pauvre du vicus de Maurienne, les reliques de saint Jean-Baptiste ne tardèrent pas à manifester par d’éclatants miracles l’intercession du glorieux Précurseur.
La première légende de sainte Thècle et les anciennes chroniques disent que la Sainte avait résolu de faire bâtir une église plus digne de garder le précieux trésor qu’elle avait rapporté de son voyage. Nous doutons qu’elle ait eu le temps de réaliser son projet. Car Gontran, roi de Bourgogne, ayant appris les miracles dont la Maurienne était le théâtre, envoya dans cette localité des hommes de confiance pour y construire une église plus digne d’abriter ces reliques d’une si merveilleuse puissance.
A quelle date placer le voyage de sainte Thècle ?
Si l’on prend à la lettre la légende de sainte Thècle, l’on est obligé d’admettre que tout ce qui concerne cette Sainte, son origine, ses bonnes oeuvres, l’hospitalité accordée aux pèlerins, son voyage en Orient, son retour en Maurienne, s’est passé pendant le règne de Gontran.
L’auteur réunit, dans un récit synthétique, des faits qui se sont passés à des dates assez éloignées. Le voyage de Thècle a précédé de beaucoup l’avènement du roi Gontran, qui a régné de 561 à 593
Or, Grégoire de Tours raconte que Rufus, évêque de Turin, envoya son archidiacre en Maurienne pour vénérer les reliques de saint Jean-Baptiste. Nous ne savons rien de certain sur l’épiscopat de Rufus, excepté qu’il est mort avant 562 ou 563, date de l’avènement de son successeur Ursicinus.
Pour que Turin fût informé de leur existence, il y avait probablement plusieurs années que ces reliques étaient à Saint-Jean-de-Maurienne.
D’autre part, Grégoire de Tours nous apprend que le séjour de Thècle à Alexandrie dura plus de deux ans. Il en résulte que l’on peut, vraisemblablement, placer le voyage de Thècle vers 545 ou même 540.
Nous avons raconté longuement la vie de sainte Thècle, son heureux voyage à Alexandrie et son retour avec les reliques de saint Jean-Baptiste, parce que ces faits ont eu une répercussion considérable sur l’histoire de notre petit pays.
Au XI° siècle, le moine Sigebert de Gembloux notait, dans sa chronique, sous l’année 613 : « La puissance et la gloire de saint Jean-Baptiste se manifestent par des miracles dans une ville des Gaules appelée Maurienne, et illustrée par ses reliques. »
D’après le chanoine Damé, qui écrivait une chronique du Chapitre au XVII° siècle, la sacristie et les parois de la cathédrale étaient tapissées d’ex-voto, témoignages des grâces et des guérisons obtenues par l’intercession du glorieux Précurseur. On y venait en pèlerinage non seulement de toute la Maurienne, mais encore des provinces éloignées de la France, On y séjournait plusieurs jours, et on y faisait des neuvaines, soit pour obtenir quelques grâces particulières, soit pour remercier de celles qu’on avait reçues.
La vie civile et religieuse de la ville de Saint-Jean-de Maurienne est intimement liée au culte de saint Jean-Baptiste.
Et d’abord elle lui doit son nom. Appelée simplement Maurienne, aux VI° et VII° siècles, elle prit plus tard le nom de Saint-Jean, qui était celui du patron de l’église cathédrale. La main de saint Jean-Baptiste est, avec quelques variantes, le motif principal des armoiries du Chapitre de la cathédrale et de la ville. La ville de Saint-Jean porte : d’azur la main droite bénissant d’argent, vêtue de même. Elle lui doit son existence comme cité épiscopale. Elle n’était qu’une chétive bourgade, lorsque le roi Gontran, par dévotion pour les reliques de saint Jean-Baptiste, y érigea un siège épiscopal, point de départ du développement de Saint-Jean-de-Maurienne.